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Libération
TRIBUNE

Les ilotes et les élites

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publié le 4 septembre 1995 à 8h39

Nous vivons dans une réalité politique parfaitement dissociée. D'un

côté, la classe politique, micro-société parallèle secrètement en chômage technique, évoluant impunément et vouée semble-t-il à l'unique tâche de se reproduire, dans une confusion endogamique de toutes les tendances ­ cette alliance incestueuse de la droite et de la gauche n'étant pas sans provoquer toute une pathologie et une dégénérescence caractéristiques de la consanguinité. De l'autre, une société «réelle» de plus en plus déconnectée de la sphère politique. Toutes deux, s'éloignant l'une de l'autre à une vitesse grand V, semblent plus ou moins destinées à dépérir ou à se désagréger chacune dans leur coin ­ maintenue sous perfusion par le seul cordon ombilical des médias et des sondages. La virtualité, au sens où la volonté politique n'opère plus que sur l'écran mental des télévisions et par sondages interposés, a fait de la fonction et de la scène politiques des vestiges quasiment inutiles. Aucune dialectique, même conflictuelle, ne maintient plus les deux pôles en interaction.

On retrouve d'ailleurs la même situation en économie. D'un côté, des lambeaux de production et d'économie réelle, de l'autre, de gigantesques circulations de capitaux virtuels dont les péripéties ­ krachs boursiers et autres débâcles financières ­ n'entraînent même plus l'effondrement des économies réelles, tellement elles sont dissociées l'une de l'autre. Il en est de même pour la sphère politique: les scandales, la corruption, l