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Libération
TRIBUNE

L'ombre du Commandeur

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publié le 5 février 1996 à 1h56

Extraordinaire aventure que ce cancer de Mitterrand ­occulté, caché,

refoulé depuis quinze ans, «illégalement» révélé par le Dr Gubler dans le Grand Secret, puis interdit de publication par la justice, puis ressuscité sur Internet, dans l'espace virtuel, enfin virtuellement mis sous les verrous en la personne du cybercafetier délinquant. D'un cancer l'autre: de celui de la prostate à celui de l'information. Faute de pouvoir conjurer les métastases biologiques par la médecine, on les conjure par le silence. Faute de pouvoir conjurer les métastases de l'information, on les interdit par la loi. Voilà d'ailleurs élégamment résolu le problème de l'info et de la bioéthique, de la transparence et de la prolifération incontrôlée: faire usage de la loi pour stopper les virus. Hélas! les métastases ont déjà filtré vers l'extérieur, à travers les «sites en miroir».

En passant ainsi à travers toutes les phases du secret et de la transparence, le cancer de Mitterrand aura été à l'image exacte de son pouvoir ­fondé à la fois sur l'usage systématique du secret et, vers la fin surtout, sur la distillation calculée des choses inavouables de sa vie. Le cancer étant, dans ce double registre, le couronnement d'une carrière dont on peut dire qu'elle avait commencé avec l'attentat de l'Observatoire. Attentat simulé, cancer dissimulé ­dans les deux cas, il s'en tire par une prouesse (il saute par-dessus les grilles, il saute par-delà la mort annoncée), puis il s'arrange pour que les choses se sachen