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Libération
TRIBUNE

Israël contre les zombies

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publié le 22 avril 1996 à 3h30

Il aura fallu la scène du massacre des innocents à Cana pour que la

représentation dominante de l'opération israélienne au Liban commence à se craqueler. Jusque-là, cette guerre n'était pas une guerre mais un nouveau jeu virtuel. Le terrain sur lequel elle s'exerçait n'était pas un pays mais un lieu imaginaire où tout était frappé d'irréalité: les bombardements et les réfugiés, la vie et la mort, et même la matérialité des êtres.

Ceux qui menaient le jeu étaient ceux qui racontaient l'histoire. Quand ils disaient qu'il s'agissait de mettre hors d'état de nuire les barbares qui les bombardaient, on les croyait. Et si un hélicoptère détruisait une ambulance dans laquelle se trouvait une famille de six personnes, ils expliquaient que cette ambulance n'était pas vraiment une ambulance mais un véhicule appartenant à un terroriste notoire du Hezbollah. On avait aussi accepté le nom du jeu, les «Raisins de la colère», en trouvant presque poétique son allusion littéraire... Mais en quoi le bombardement des centrales électriques alimentant Beyrouth en courant affaiblissait-il l'organisation intégriste? En rien, et même au contraire, mais la fiction voulait qu'il fallût éteindre la lumière sur cette capitale de toute façon inexistante.

L'armée israélienne avait averti qu'elle tirerait sur «tout ce qui bouge» dans les villes et villages du Sud vidés de leur population, sur qui tirait-elle? Sur une allégorie, un fantôme au front ceint d'un bandeau vert courant entre les maisons désertes.