Si dans la pornographie ambiante s'est perdue l'illusion du désir,
dans l'art contemporain s'est perdu le désir de l'illusion. Dans le porno, rien ne laisse plus à désirer. Après l'orgie et la libération de tous les désirs, nous sommes passés dans le transsexuel, au sens d'une transparence du sexe, dans des signes et des images qui en effacent tout le secret et toute l'ambiguïté. Transsexuel, au sens où ça n'a plus rien à voir avec l'illusion du désir, mais avec l'hyperréalité de l'image.
Ainsi de l'art, qui lui aussi a perdu le désir de l'illusion, au profit d'une élévation de toutes choses à la banalité esthétique, et qui donc est devenu transesthétique. Pour l'art, l'orgie de la modernité a consisté dans l'allégresse de la déconstruction de l'objet et de la représentation. Pendant cette période, l'illusion esthétique est encore très puissante, comme l'est, pour le sexe, l'illusion du désir. A l'énergie de la différence sexuelle, qui passe dans toutes les figures du désir, correspond, pour l'art, l'énergie de dissociation de la réalité (le cubisme, l'abstraction, l'expressionnisme), l'une et l'autre correspondant pourtant à une volonté de forcer le secret du désir et le secret de l'objet. Jusqu'à la disparition de ces deux configurations fortes la scène du désir, la scène de l'illusion au profit de la même obscénité transsexuelle, transesthétique celle de la visibilité, de la transparence inexorable de toutes choses. En réalité, il n'y a plus de pornographie repérable en