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Analyse

La fabrique de la renommée

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publié le 18 juillet 1996 à 8h05

A la lecture d'un manuel de littérature ou de philosophie, on était

habitué à un mode de sélection des grands auteurs consacrés après leur mort et représentatifs de l'histoire même de la culture. On imaginait bien que d'autres auteurs moins connus ­ puisqu'ils n'avaient là ni leur nom ni le moindre extrait de leur texte ­ pourraient être découverts ailleurs, au hasard de nos curiosités. Ce classement ne semblait pas arbitraire; on admettait bien une hiérarchie entre les auteurs les plus importants et ceux dont la notoriété demeurait plus incertaine ou plus mystérieuse. Mais on savait aussi que ceux qui n'étaient guère connus à leur époque étaient souvent devenus les plus grands. La croyance en l'immortalité suppose, comme l'écrivait Elias Canetti à propos de Stendhal «qu'on choisit la société de ceux au nombre desquels on comptera soi-même un jour: les auteurs du passé dont les oeuvres continuent de vivre, de vous parler, de vous nourrir. La gratitude que l'on se sent pour eux est une gratitude pour la vie elle-même».

Désormais, la gestion de la transmission est soumise aux impératifs de la médiatisation. Pour contrôler les chances de leur postérité et conjurer l'angoisse de leur disparition, les auteurs vivants sont venus côtoyer les morts. Leur élection contemporaine répond sans doute aux critères de la mode, même si l'évidence de leur renommée atteste leurs qualités de pensée et de style. La postérité se prépare bien avant la mort, elle suppose des stratégies de médiatisati