Menu
Libération
Analyse

Opposer à Le Pen la vitupération morale, c'est lui laisser le privilège de l'insolence. La conjuration des imbéciles.

Article réservé aux abonnés
publié le 7 mai 1997 à 3h16

Les deux situations, aussi critiques et insolubles l'une que

l'autre: celle de la nullité de l'art contemporain, celle de l'impuissance politique face à Le Pen. Elles s'échangent et se résolvent par transfusion: l'impuissance à opposer quoi que ce soit de politique à Le Pen se déplace sur le terrain de la culture et de la Sainte Alliance culturelle. Quant à la mise en cause de l'art contemporain, elle ne peut venir que d'une pensée réactionnaire et irrationnelle, voire fasciste" Que peut-on opposer à cette conjuration respectueuse des imbéciles? Rien malheureusement ne peut corriger ce mécanisme de perversion intellectuelle, puisqu'il s'inspire de la mauvaise conscience et de l'impuissance de nos élites «démocratiques» à résoudre aussi bien l'impasse de l'art que l'impasse politique de la lutte contre le Front national. La solution la plus simple est de confondre les deux problèmes dans la même vitupération moralisante. La vraie question devient alors: ne peut-on plus l'«ouvrir» de quelque façon, proférer quoi que ce soit d'insolite, d'insolent, d'hétérodoxe ou de paradoxal sans être automatiquement d'extrême droite (ce qui est, il faut bien le dire, un hommage rendu à l'extrême droite)? Pourquoi tout ce qui est moral, conforme et conformiste, et qui était traditionnellement à droite, est-il passé à gauche? Révision déchirante: alors que la droite incarnait les valeurs morales, et la gauche au contraire une certaine exigence historique et politique contradictoire, aujourd'hui