Les crises monétaires et boursières venues d'Asie ont pris à
contre-pied bon nombre d'idées reçues sur cette partie du monde. Quoi! les nations érigées en modèle de développement se révéleraient des géants aux pieds d'argile, emportés comme toute autre nation par le méchant M. Soros? Pis, s'aviseraient-elles de nous entraîner dans la tourmente? Plusieurs remarques s'imposent pour mettre un peu d'ordre dans tous ces raisonnements. La première porte sur la fragilité des pays asiatiques et de leurs monnaies dont la crise a entraîné celle de la Bourse. La tourmente monétaire met à nu le fait que les pays asiatiques, dont on est habitué à déplorer les ventes sauvages sur nos marchés, sont, pour la plupart, des pays fortement importateurs. Ce qui a mis le feu aux poudres est un déficit chronique de leurs balances des paiements. Les pays asiatiques nous vendent, certes, nombre de marchandises, mais ils nous en achètent plus encore et, s'il ne tenait qu'à eux, ils iraient beaucoup plus loin encore. Comme le Mexique fut sanctionné en 1994 par un effondrement du peso, les monnaies asiatiques sont apparues non pas sous-évaluées mais surévaluées: le change poussait les consommateurs thaïlandais à préférer des produits occidentaux aux produits domestiques. Ce constat ne manquera pas de surprendre: comment des pays où l'on gagne dix fois moins que chez nous peuvent-ils être «surévalués»? La réponse est simple: ce n'est pas le coût du travail qu'il faut mesurer, mais le coût unitaire