Le Viagra est là, il fait la une des journaux. Jamais la trithérapie
n'a eu une telle couverture de presse. Jamais la molécule qui nous préservera du ramollissement du cerveau n'aura l'écho médiatique de celle qui préserve les hommes du ramollissement de leur verge. A qui veut comprendre ce qui se joue ici, je ne peux que conseiller le dernier livre de Bourdieu, la Domination masculine. Car c'est bien de cela qu'il s'agit.
Un homme est un homme parce qu'il «bande». Je bande, donc je suis. D'où toute la mythologie du sexe masculin, du sexe en érection, fierté de l'homme moderne ou des temps anciens. Dans notre société androcentrique, comme dit Bourdieu, c'est la division sociale et culturelle entre homme et femme qui institue le phallus et non l'inverse.
Ce serait le phallus, et lui seul, qui permettrait d'atteindre le plaisir suprême, la déflagration orgastique. Il faut lire ou relire le Nouveau Désordre amoureux, de Pascal Bruckner et d'Alain Finkielkraut, paru en 1977. «Nous vivons dans des sociétés dites démocratiques, mais nous avons toujours des corps monarchiques, des corps constitués rassemblés autour du nouveau souverain pontife: le dieu Pénis et ses deux assesseurs, les testicules, qui ont volé la couronne de la transcendance à l'esprit et à l'âme.» «Certes, toutes les valeurs liées à la possession du phallus se sont effondrées sous le ridicule ou l'odieux (description pour le moins optimiste de la réalité). L'homme lui-même les rejette partiellement, mais c'est pour l