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Libération
TRIBUNE

Lettre ouverte à Odile Jacob.

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publié le 30 octobre 1998 à 12h52

Votre décision de publier Charles Millon a surpris bien du monde.

Pour la plupart de vos auteurs, les choses sont plus graves que l'incompréhension; car ne pas comprendre son partenaire, c'est réaliser qu'on ne le connaissait pas. Alors vient le sentiment d'avoir été trompé.

Une chaîne de magasins présente à la vente un excellent pain «à l'ancienne», cuit dans les fours d'un important financier du Front national. Je peux continuer d'y faire mes courses, en m'abstenant de manger de ce pain-là, parce que je n'entretiens aucun rapport autre que marchand avec ce magasin.

Il en va autrement de la relation entre l'auteur et son éditeur, sauf à ne voir dans le livre qu'une marchandise. L'artisan et le professionnel ne peuvent se faire complices pour proposer au public cet objet intime qu'est un livre que s'ils partagent l'intelligence des choses importantes et une confiance minimale.

Or, en publiant Charles Millon, vous avez choisi la voie de la banalisation du FN en banalisant cette partie de la droite qui nie la réalité et la stratégie de l'extrême droite, et qui veut faire passer le Front national pour un parti politique ordinaire sous prétexte qu'il a su séduire un électorat.

Ceux qui ­ nombreux parmi vos auteurs ­ croient à la vertu émancipatrice du livre, et des idées en mouvement, ne peuvent partager avec vous l'intelligence que vous venez de proclamer avec les actions de Charles Millon, parce qu'elles sont la négation du livre et des idées.

Quant à la confiance, elle a bien souff