Menu
Libération
TRIBUNE

A force d'exiger de l'art une fonction sociale, va-t-on esthétiser le lien social? Le danger esthétique.

Article réservé aux abonnés
publié le 9 novembre 1998 à 16h06

Un homeless a demandé le classement à l'Inventaire du patrimoine de

son habitation en carton. En entrant dans la catégorie des monuments historiques, il espérait sans doute accomplir l'acte suprême de son intégration sociale. Passer du statut de sans-logis à celui de «trésor vivant», tel un modèle de la transmission culturelle, est une manière de gravir tous les échelons de la hiérarchie sociale d'un coup. La vie quotidienne dans une architecture éphémère est-elle devenue une valeur patrimoniale? Les non-lieux de la banlieue, les habitats précaires, les rues avec des carcasses de véhicules calcinés sont depuis longtemps déjà l'objet d'une appréhension esthétique, autant pour le photographe que pour le sociologue étudiant les territoires de l'anomie. Mais ce qui se donne en spectacle pour les uns demeure une nécessité vitale pour les autres. En admettant que l'individu soit tenté par une certaine autoesthétisation en sa manière d'être au monde, il ne vise pas pour autant à se donner en spectacle.

L'exhibition culturelle contemporaine, des festivals d'été aux rétrospectives organisées par les musées, des arts de la rue aux nombreuses expositions des artistes locaux, semble promouvoir une «esthétique généralisée». Quand tout devient montrable, exposable, le regard de tous est convié aux agréments d'un esthétisme quotidien. La culture, enrichie par le pluralisme des identités culturelles, passe pour le miroir idéalisant de l'évolution sociale en pratiquant un «art citoyen». Son de