Pour son dernier combat politique, Charles Pasqua s'offre le luxe de
la sincérité. En vétéran du gaullisme gaullien, il enrage devant le refus (justifié) de Jacques Chirac d'organiser un référendum sur le tout petit traité d'Amsterdam. En éternel eurosceptique, il se prépare à voter résolument non à la ratification de l'accord. En grognard du souverainisme, il s'apprête à lancer une liste dissidente qu'il rêve d'ouvrir à gauche mais qu'il ancrera irrésistiblement fort à droite. En briscard de toutes les campagnes électorales depuis la fondation du RPF (1947), il va enfin mettre son grand savoir-faire au service d'une cause qu'il incarnera lui-même: il était temps.
Charles Pasqua s'est toujours fait une certaine idée de l'Europe: négative, endeuillée, menaçante et illégitime. Pour lui, l'Union européenne, c'est la Reine de nuit, tyrannique, sombre et stridente, arrachant plume à plume à la France son indépendance, son originalité, son charme et surtout la maîtrise de son destin. Toute avancée européenne lui paraît donc dramatique. Sous le septennat de Valéry Giscard d'Estaing, il guerroyait déjà âprement contre le système monétaire européen; sous François Mitterrand, il maudissait l'élargissement à l'Espagne, exécrait le marché unique, fustigeait la perspective de l'euro, maudissait la capitulation de Maastricht. Seules exceptions: lorsqu'il était ministre de l'Intérieur (1986-1988, 1993-1995), il s'assouplissait brusquement et tolérait en grommelant la ratification de l'Acte u