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Libération
TRIBUNE

Confondant la responsabilité pénale et la responsabilité politique, ce procès est un dangereux précédent pour notre démocratie. Sang contaminé: un procès en sorcellerie.

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par Michel WINOCK
publié le 15 janvier 1999 à 23h11

La tragédie du sang contaminé, dont furent victimes de nombreux

hémophiles et transfusés, a provoqué la mise en accusation de trois anciens ministres: Laurent Fabius, Premier ministre, Georgina Dufoix, ministre des Affaires sociales, Edmond Hervé, secrétaire d'Etat à la Santé, devant la Cour de justice de la République (à partir du 9 février). Cette nouvelle instance, créée en 1993, aux fins de soumettre plus facilement les membres d'un gouvernement à la loi pénale, dépend d'une commission des requêtes habilitée à filtrer les plaintes. Celle-ci classe la procédure, ou la transmet au procureur général près la Cour de cassation aux fins de saisine de la justice de la République (article 68-2 de la Constitution). Or, à deux reprises, le 11 mars 1997 et le 11 juin 1998, le procureur général près la Cour de cassation a conclu que les actes ­ ou les omissions ­ des trois anciens ministres ne sauraient, en aucun cas, relever d'une qualification pénale.

Mais, le 17 juillet 1998, la commission d'instruction de la Cour de justice rend public un arrêt de renvoi, qui passe outre: le procès aura lieu. Deux faits déjà étonnent: que des parlementaires (ils seront douze à composer la Cour avec trois magistrats) aient à juger de la responsabilité pénale des ministres; et qu'en l'occurrence la commission saisisse la Cour lors même que le procureur général a déclaré qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre.

Ce procès est étrange en vérité. Il met en accusation le chef d'un gouvernement qui fut l'un