Qui sont ces sauvageons dont on parle tant? S'agit-il seulement des
plus jeunes hôtes de nos banlieues, contrées si mal connues qu'on y dépêchait encore récemment de très officielles missions exploratoires? Le mot marque à lui seul le flou de nos catégories. Dans sauvageons, il y a du diminutif sympathique et même un léger accent de tendresse. Du bon sauvage, en somme. Mais on y devine aussi de l'inconnu mal domestiqué, de l'inquiétant, voire du barbare" Le refrain du ministre de l'Intérieur (entonné dès son retour sur le plateau de Public, le 10 janvier) le montre bien, les mineurs sont les sujets les plus ambigus de nos démocraties: on les adore, on les craint; et on ne les craint peut-être autant que parce qu'on leur voue un culte aussi ardent. La justice n'a jamais été aussi soucieuse de les protéger et de sanctionner sévèrement ceux qui leur portent atteinte («pères abuseurs», parents démissionnaires qu'il faut s'empresser de «tutélariser», pédophiles en tout genre, enseignants suspectés...). Les droits de l'enfant continuent leur percée dans les mentalités et les pratiques sociales pour faire du petit l'archétype de la victime abandonnée aux prédations d'une vie sociale de plus en plus risquée. L'enfance est le paradigme moderne d'une pureté native et vulnérable, d'une innocence incorrompue, parente éloignée du bon sauvage d'autrefois, celui que la société n'a pas encore pollué. Et cependant l'opinion publique n'a jamais été aussi désemparée devant la recrudescence de