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Libération

Parité: le piège du nominalisme.

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publié le 19 février 1999 à 23h48

La guerre des dames a été brillante, distinguée, conceptuelle,

savamment cruelle. Deux intellectuelles de belle étoffe (Sylviane Agacinski et Elisabeth Badinter, par ordre soigneusement alphabétique) ont incarné avec panache deux thèses inconciliables: l'universalité de l'humanité et l'indivisibilité de la souveraineté populaire pour celle-ci, la légitimité de la parité et la nature évidemment double de l'humanité pour celle-là. Elles ont obtenu des soutiens comparables en prestige et en statut chez leurs pairesses, lesquelles se sont équitablement réparties en spécialistes des joutes d'idées et en sicaires perfides. En ce qui concerne le combat philosophique, la démonstration de la parité absolue d'éclat avec les penseurs mâles étaient peut-être superfétatoire, mais elle est ici parfaitement réussie.

Reste l'essentiel: la parité politique, objet du débat. Si on ose se montrer prosaïque après un tel duel, il est urgent d'éviter le piège du nominalisme. Rien ne serait plus frustrant et plus paradoxal que de se résigner à une situation concrète absurde, ultraconservatrice, ségrégationniste au nom d'une dévotion formaliste envers de valeureuses abstractions. Or tel est le risque. La France, si fière de son patrimoine en ce qui concerne les droits de l'homme et les libertés, se trouve lamentablement en retard en ce qui concerne l'accès réel des femmes aux mandats et fonctions électives. Paris, qui donne si volontiers des leçons de vertu à l'univers, a toléré jusqu'ici une discrimi