Le titre de Libération du 11 février «Ceux qui bossent et ceux qui
bullent» est caractéristique de la séduction à laquelle on peut céder devant des extraits du rapport Roché. Les chiffres, en effet, donnent le sentiment de l'évidence scientifique, ils permettent de comparer, de faire des tableaux. Chacun peut s'y précipiter, et se gausser du voisin qui ne fait que 36 h 30 alors que soi-même on en est à 37 h 05! Il convient de se méfier de telles évidences. Avec ces chiffres, une infirmière de lycée ou collège, présente 41 heures par semaine et astreinte à être disponible 5 nuits par semaine si son établissement a un internat, découvrira qu'elle fait partie de ceux qui «bullent» puisque le mode de calcul employé par le rapport Roché aboutit à une durée de travail moyenne de 32 heures! On peut aussi s'interroger sur le sérieux de tels calculs puisque, pour les enseignants du second degré, l'on parvient à un affichage à la minute près, d'une moyenne de 38 h 11 en 1994 (contre 40 h 34 en 1988). Le ridicule de cette précision est flagrant lorsque l'on sait que le travail d'un enseignant comprend une partie visible, le temps de présence devant les élèves, avec des obligations variables selon le grade et les classes enseignées, et toute une partie invisible (préparation, correction, réunions, formation personnelle), qui peut difficilement être quantifiée à la minute près. En fait, ces chiffres n'ont rien à voir avec la réalité vécue par les fonctionnaires, qui ont le sentiment de «p