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Libération
TRIBUNE

La réforme Meirieu-Allègre propose un «enseignant-guichet» préposé à l'écoute des mal-être de l'adolescence: bref, un travailleur social, et non plus un intellectuel. Adieu, professeur.

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publié le 4 mars 1999 à 0h00

Claude Allègre ne cesse de répéter: «Enseignants, je suis des

vôtres.» Pourtant, voici quelques semaines, ce fut un tonitruant «Vous et moi, nous avons gagné» qui avait été lancé par ce même ministre aux lycéens, à la suite de leurs manifestations d'octobre. Cette dernière formule, que Lacan eût aimée pour ce qu'elle trahit, qui vaut bien le magnifique «à mon insu de mon plein gré» de Richard Virenque, a l'avantage de désigner sans le nommer l'ennemi, enfin terrassé grâce à l'aide involontaire des adolescents: les professeurs.

Dès qu'il passera dans les actes, le projet Allègre pour les lycées, version ultralight du rapport Meirieu, permettra d'assister à un décrochage entre la haute activité intellectuelle et la fonction de professeur dans un lycée. Le professeur ­ au sens de l'intellectuel ­ n'aura plus sa place dans le lycée de demain, relégué qu'il sera au ban de cette nouvelle conception de l'école. Son identité en effet s'y arlequinise, s'y archipellise en une multitude de tâches sociales: elle se bureaucratise, s'assistantesocialise, se psychologise, et par-dessus tout se désintellectualise. Le prof («professeur» semblant impropre ici) nouveau souhaité par ce projet sera un amateur vaguement éclairé dans la discipline qu'il enseigne, doublé d'un généraliste de la communication psychosociale! Une sorte d'«équipier» multitâche comme sont les employés des chaînes de restaurants fast-food. Ainsi transformé, il sera à la fois caporalisé (des chefs d'équipe seront désignés pa