Gerhard Schröder n'a pas osé suivre Oskar Lafontaine dans ses
convictions économiques bien tranchées. Il était donc normal que ce dernier abandonne le ministère des Finances. La cohérence y trouve son compte. Ce qui est plus surprenant, c'est la hargne qui a accompagné l'épisode. Que n'a-t-on pas entendu! «C'est le plus beau jour de ma vie professionnelle», a osé le responsable du patronat allemand de l'assurance, pendant que le DAX (l'indice de la Bourse de Francfort) pétillait comme du champagne. «C'est l'économie qui est gagnante», a tranché le journal conservateur Die Welt. Pire: à Francfort, le patron de la Banque centrale européenne lui-même, le Néerlandais Wim Duisenberg, est sorti de la réserve qui devrait être la sienne, pour féliciter Bonn.
Indécente, la joie féroce du monde des affaires allemand rendrait presque sympathique le patronat français. Lorsqu'en 1997 Lionel Jospin a décidé de soutirer aux entreprises 22 milliards de francs par une hausse de l'impôt sur les sociétés, les grands patrons avaient protesté, mais modérément. Ils avaient conscience étant donné la hausse des profits et l'atonie de la demande interne qu'une telle ponction n'avait rien de scandaleux et était plus efficace qu'une hausse des impôts frappant la consommation. En Allemagne, en revanche, il a suffi qu'un ministre s'écarte légèrement du sentier de la pensée dominante pour que les dirigeants des géants industriels et financiers se révoltent. Les dissensions internes au sein de l'équipe