«A la suite de Marx, la critique de la domination sociale de
l'argent s'est longtemps identifiée à la contestation du pouvoir du capital sur le travail. Or (") cette confusion est de moins en moins justifiée. Le trait majeur de l'économie contemporaine est l'accentuation de la concurrence. La domination y revêt un caractère plus diffus et plus systémique, l'argent s'imposant à tous comme une loi commune. Même s'il creuse les inégalités entre les riches et les pauvres, le règne du marché est un règne sans maître, et c'est pour cela qu'il est difficile de mener contre lui un combat politique.» Cette citation résume assez bien l'enjeu des Nouvelles Frontières de l'argent: prendre la mesure du changement de paradigme de la société mondiale sans faire du constat de la réalité une approbation de celle-ci.
Il est significatif qu'au fil des ans Bernard Perret ait fait glisser le centre de gravité de sa réflexion de la notion de travail (et de sa nécessaire relativisation) à celle d'«argent». La trivialité voulue de cette dernière dénomination, à rebours des conventions techniques de la science économique, est destinée à refléter un double phénomène (ou les deux visages du même): la «réduction de l'autonomie relative de la sphère productive» mais aussi «l'impact civilisationnel de la monétarisation de la vie sociale». Le vague du terme «l'argent» («money») renvoie à son omniprésence à la fois objective et subjective si on admet que «le processus de monétarisation de l'échange est int