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Libération
TRIBUNE

Une difficile fiction.

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par Jean-Jacques MOSCOVITZ
publié le 23 mars 1999 à 0h15

Dans La vie est belle, de Roberto Benigni, l'omniscience sur la

solution finale de la part d'un père envers un enfant-poupée et la primauté accordée à la pantalonnade pour dire l'horreur nient, par l'usage de la fiction, l'approche du réel. Ce qui rend confus notre rapport à ce savoir impossible sur la Shoah. A l'opposé, dans Train de vie, l'usage de la fiction tente de nous évoquer l'horreur avec des images d'avant: sur ce thème de la destruction des juifs, se réalise au cinéma le tour de force de faire rire et pleurer sans brouiller notre rapport au terrible de ce qui s'est véritablement produit. Dans cette fable sur la déportation, le réel de l'Europe nazifiée surgit avec le dernier plan qui ordonne tout le récit: Shlomo, le héros de la fable, narrateur du texte, déporté. Ainsi de Train de vie, qui ne lâche pas sur l'essentiel, et de La vie est belle qui l'atténue beaucoup trop, un tournant serait pris. Après le temps d'inscription du film Shoah de Claude Lanzmann, la fiction, la fable seraient devenues nécessaires pour transmettre l'histoire. Pourtant, nombre d'auteurs, cinéastes ou écrivains ne se sont pas privés de fictions sur la destruction des juifs sans attendre ce tournant-là. Comme Yossel Rakover dans un texte dont Lévinas disait qu'il est «beau et vrai comme seule la fiction peut l'être». Ou encore le Testament (soi-disant) d'un combattant juif dans les heures précédant sa mort dans le ghetto de Varsovie, mais en réalité écrit en yiddish après la guerre, à Buenos