Six ans séparent Srebrenica de Pristina. La barbarie succède à la
barbarie. De la Bosnie au Kosovo, face au même démiurge nationaliste habité d'une vraie folie meurtrière, le «monde libre» semble n'avoir rien appris ni rien compris de cette terrible leçon. Devant le spectacle insoutenable et obscène des colonnes de réfugiés kosovars chassés de leur terre par les milices serbes qui incendient leurs maisons, effacent toute trace de leur état civil et arrachent les hommes jeunes à leur famille, l'Europe et ses alliés américains hésitent à envoyer leurs troupes sur le terrain pour arrêter ce crime contre la morale et contre l'humanité. En refusant d'accompagner leurs bombardements aériens d'un déploiement militaire au sol, ils prennent le risque de laisser rayer un peuple de la carte de l'Europe et de solder définitivement les comptes des quelques principes qui leur restaient. Parce que Milosevic s'en prend aux racines mêmes de ce qu'Antelme appelait «l'espèce humaine», nous devrions considérer l'immense souffrance et la détresse indicible des Kosovars comme les nôtres. Derrière le bébé qui se meurt, sous les larmes de sa mère, c'est notre destin qui se joue. Nous sommes tous des Kosovars. Et parce que nous devrions nous identifier à ce peuple meurtri, nous ne pouvons plus nous contenter de la compassion par médias interposés et de la seule bonne conscience humanitaire. Aider les Kosovars c'est, d'abord, les protéger. En arrêtant les déportations à l'aide d'une force militaire d