Retour d'ex-Yougoslavie, où je couvre sans discontinuer les guerres
de Milosevic depuis 1991, je lis votre papier dans le Monde du 13 mai. Il me tombe des mains. Vous prétendez vous en «tenir aux faits». C'est la moindre des choses. Procédons à un rapide examen. «300 écoles touchées par les bombes», écrivez-vous. Qui vous a fourni ce chiffre? Il est nécessaire de citer ses sources. Seraient-elles serbes? Officielles? Régis, ce fait-là ne me satisfait pas. Comme ne me satisfait pas le paragraphe suivant: «La destruction des usines a mis à pied 100 000 travailleurs" la moitié de la population est au chômage.» S'agit-il toujours du même informateur? Je le crains et vous rappelle que l'économie serbe est sinistrée depuis la guerre serbo-croate de 1991 et plus encore depuis les sanctions internationales liées au conflit bosniaque.
Vous n'avez pas «observé de fissure dans l'union sacrée». C'est qu'elles ont été rebouchées. Le 11 avril, Slavco Curuvija, directeur du Dnevni Telegraf, véritable voix d'opposition, était assassiné à Belgrade. La veille, la télévision d'Etat l'avait désigné comme traître. Vos «contacts» ne vous ont pas parlé de cette fissure-là?
Comment pouvez-vous écrire que 400 000 Serbes de Krajina ont été déportés par les Croates sans micro ni caméra? Les télévisions du monde entier ont filmé cet exode et lui ont accordé la plus large place durant l'été 1995. Ces files de tracteurs. Ces gens, traités en parias par la Serbie, qui refusèrent néanmoins d'aller justement