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Libération
TRIBUNE

Le nouveau maire d'Urla, en Turquie, a fait enlever la plaque célébrant le souvenir du Nobel grec Yorgo Seferis, né ici en 1900. C'est ainsi que les nationalistes turcs fêtent leur dernière victoire électorale. Le poète grec et les démons turcs.

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publié le 19 juillet 1999 à 23h57

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le poète grec Yorgo Seferis,

futur prix Nobel se trouvait dans l'île de Poros lorsqu'il assista de sa fenêtre au naufrage d'un bateau de transport qui a été torpillé. Alors il écrivit son fameux poème la Grive qui était le nom du bateau. Cet incident avait éveillé en lui le souvenir d'un monde ­ le sien ­ qui s'était effondré quelques décennies auparavant, en septembre 1922. «Les maisons que j'avais, on me les a prises. Il se trouva que les années furent néfastes: guerres, ravages, exil.» L'exil du poète avait commencé à Urla après ce que nous appelons en Turquie «La Grande victoire» et qui fut pour les Grecs d'Asie mineure «la Grande Catastrophe» selon leur propre terme.

Urla est aujourd'hui un petit port de pêche à trente-cinq kilomètres d'Izmir, plutôt tranquille avec ses restaurants au bord de la mer Egée, ses cafés ombragés et ses maisons blanches parmi lesquelles se trouve encore la maison familiale de Yorgo Seferis. C'est dans cette maison qu'est né le poète en 1900, c'est là qu'il a vécu son enfance avant de quitter à jamais la Turquie.

En hommage à l'un de ses plus grands poètes de ce siècle, le conseil municipal d'Urla avait eu, l'année dernière, la bonne idée de mettre une plaque sur la maison de Seferis et de donner son nom à une rue de la ville. Mais le nouveau maire, M. Ôzcan Uzun fraîchement élu sur la liste d'Anap (le parti de la mère patrie) a décidé d'enlever la plaque et de changer le nom de la rue en justifiant ainsi son é