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Libération
TRIBUNE

Les chasseurs défendent avant tout un espace social réservé aux hommes, loin de la mixité imposée par le monde urbain. Chasse, mâle et tradition.

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par Dominique BOULLIER
publié le 23 juillet 1999 à 0h01

Le Premier ministre cherche à comprendre le vote en faveur des

chasseurs. Proposons-lui une grille de lecture de nature plutôt anthropologique. L'activité ordinaire de la chasse est loin du stéréotype de la relation solitaire de l'homme et de la nature: c'est le plus souvent une activité éminemment collective, préparée, ritualisée. Le groupe «chasseurs» ne se constitue pas seulement au moment des manifestations, il fait le plaisir même de la chasse. Chasser, ce n'est plus seulement manier un fusil, c'est aussi et parfois avant tout, retrouver des copains, manger, boire, discuter, etc. Le trait le plus marquant de toute cette activité est alors plus apparent: tout se passe entre hommes. Le monde de la chasse correspond en fait assez bien à la description de la maison kabyle que faisait Bourdieu dans les années soixante: c'est un monde structuré par la division entre hommes et femmes, où les rôles sont bien définis, stables, garantis. On comprend mieux dès lors l'énorme affectivité mobilisée dans la défense de la chasse. Ce qui est menacé dans les restrictions du droit de chasse, c'est cet espace social où l'on peut enfin se retrouver entre hommes, où l'on peut fuir la société mixte, où chaque genre est à sa place, où les repères sont sûrs. C'est bien le monde de la tradition comme le dit le T de CNPT. Bien sûr, on peut toujours trouver quelques femmes pour participer à certaines parties de chasse mais cela reste statistiquement marginal et culturellement insignifiant. La femm