Le 25 juillet 1948, la télévision française retransmet pour la
première fois l'arrivée du Tour de France au Parc des princes. C'est son premier direct. Il n'y a que deux caméras, une antenne fixée sur un ballon, et 3 000 récepteurs en France. C'est le temps où l'écran ouvre encore sur l'avenir, et le sport, sur le destin; bref, sur la liberté. On ne parle pas encore de Tour du renouveau, dans ces années-là, mais simplement des Tours de la reconstruction. C'est l'après-guerre. Malgré la dèche, l'optimisme revient. On reconquiert par le sport le territoire martyrisé et les coeurs blessés. La télévision va matérialiser ce rêve en inventant l'ubiquité. Le sport devient son espace mythologique. Peu à peu, elle met le feu aux routes et aux stades. L'écrit suit: le style d'Antoine Blondin et consorts, tout en plaisirs, hyperboles et calembours, invente une Odyssée des comptoirs et des canapés.
Le Tour a refait la route. Il l'a tenue. Et cinquante et un ans plus tard, il en sort: si la télévision règne, le sport, sa proie, commence lentement à désenchanter le public, tout en le gardant accro. Les amateurs de chromos et les chantres du sport épique déplorent bien sûr ce Tour à deux vitesses, l'une sans et l'autre avec: adieu vertu, grands adjectifs, adieu gladiateurs et annalistes aux hormones: le Tour n'est plus cette méritante raffinerie à rêves dont la démocratie aux champs s'honorait. Mais pour ceux que la vraie vie intéresse, la vie tout court, toute nue, montée à cru comme sur se