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TRIBUNE

L'obsession hygiéniste n'a cure du bon goût. Nos tomates, nos fromages peuvent être insipides pourvu qu'ils soient «sains». C'est mozzarella qu'on assassine.

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par Jacques GAILLARD
publié le 26 juillet 1999 à 0h02

Il faut l'été pour s'en convaincre: les tomates peuvent avoir du

goût et les concombres une saveur. Charnues, ces pommes d'amour, lorsqu'on les fait cuire, n'inondent pas la poêle; quant aux concombres, si on les sale, ils gardent leur croquant et ne rendent pas un décilitre d'eau. Certes, ces beaux produits des marchés ont l'allure de fruits exotiques: les tomates sont difformes, parfois creusées de plis, cabossées de gibbosités, tantôt presque orange, tantôt rouge brique; les concombres sont rugueux, il y en a des gros et des petits, des clairs et des foncés, des droits et des tordus. Ils nous rappellent que la nature n'est pas géomètre, et surtout que pendant des mois on a mangé des cochonneries.

Refuser le boeuf aux hormones, c'est bien; persécuter le poulet à la dioxine, c'est légitime; mais la vigilance devrait aller plus loin et s'exprimer autrement. La question: «Ce produit est-il sain?» n'est que la conséquence d'une autre question: «Ce produit est-il bon?», parce que les conditions de production intensive de ces légumes lamentablement insipides induisent une chimie dangereuse et des impostures scandaleuses. Par exemple, ces tomates en grappe qui poussent la tête en bas, et dont la racine trempe dans un flacon de sérum: elles ont l'air plus «naturelles», elle n'en sont pas moins des monstres. Et, un beau jour, on trouvera dans le sérum un je-ne-sais-quoi toxique, sur lequel, à retardement, les autorités de contrôle alimentaire se déchaîneront.

Pour l'heure, elles se d