Le bilinguisme, l'art de maîtriser deux langues, de se «servir de
deux langues comme de deux mains», selon l'expression du recteur Robert Mallet, existe depuis la haute antiquité. C'est grâce à la pierre de Rosette et à son texte trilingue gravé, une stèle en hiéroglyphes, en démotique et en grec, que Champollion put résoudre l'énigme millénaire et déchiffrer l'écriture égyptienne.
Au XVIIIe et au XIXe siècle, dans les collèges de Louisiane, on étudiait et on ne parlait le matin qu'en français, quelle que soit la matière enseignée. L'après-midi, jusqu'à l'heure du dîner, on parlait exclusivement l'anglais. Et tous les élèves de la Nouvelle-Orléans étaient bilingues.
Depuis près d'un siècle et demi, le Liban donne l'exemple d'une parfaite éducation bilingue, franco-arabe d'abord, anglo-arabe à partir de l'indépendance, en 1943. L'une de mes tantes, religieuse de la Charité de Besançon, y enseignait, après la Première Guerre mondiale, en français.
L'éducation bilingue, c'est-à-dire l'acquisition des connaissances en deux langues, constitue en soi une véritable révolution de la pensée: elle permet de décrire au moyen de deux langues différentes le même concept, la même situation, le même objet, et de mieux cerner la vérité des choses; elle ouvre l'esprit de celui qui est enfermé dans une seule et même langue, une seule et même culture, lui permet d'apprécier un autre mode de pensée, de comprendre que ce qui est différent n'est pas forcément mauvais, mais au contraire enrichissa