Les salaires des dirigeants doivent-ils être rendus publics? La
rapport Viénot, présenté cet été par le président d'honneur de la Société générale et par le patron des patrons Ernest-Antoine Seillière, a adopté sur ce point une position frileuse. Le rapport propose que seul le montant global de la rémunération de l'équipe dirigeante soit rendu public, et non pas les rémunérations individuelles, de façon à ce qu'il soit impossible, pour le quidam moyen, de retrouver le montant exact perçu par chacun. «Les Américains adorent dire qu'ils gagnent beaucoup d'argent; en France, ce n'est pas le cas», justifie Viénot. Cet argument éculé, fondé sur l'idée d'une irréductible pudeur française (catholique?) vis-à-vis de l'argent, ne tient pas. Au moment où Tony Blair propose que les assemblées d'actionnaires déterminent elles-mêmes les rémunérations de leurs dirigeants et où la plupart des pays européens avancent dans cette direction (quand ils ne sont pas beaucoup plus avancés), va-t-on éternellement nous expliquer que le tout-puissant président-directeur général à la française doit pouvoir continuer de fixer secrètement sa propre rémunération? En vérité, comme le montre le grand succès rencontré par tous les journaux et magazines qui ont réussi à publier des feuilles d'impôt de dirigeants, les Français sont tout autant intéressés que les autres par les revenus élevés qui les entourent. Et cet intérêt est légitime: comment peut-on rationnellement justifier l'inégalité des revenus si on