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Libération
TRIBUNE

Dans le cas des sans-papiers, les magistrats se contentent souvent d'appliquer mécaniquement le droit, sans se soucier des conséquences de leurs décisions. Le juge et le sans-papiers.

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par Anne-Marie PARODI et François RONDELEUX
publié le 17 septembre 1999 à 0h44

Une affaire de sans-papiers comme tant d'autres relatée par

Libération (1): cinq condamnations pour défaut de papiers, interdiction définitive du territoire français, Manuel, Angolais vivant en France depuis 1988, comparaît à nouveau devant le tribunal correctionnel pour refus d'embarquer, c'est-à-dire refus d'être expulsé vers son pays d'origine. «Il y a trop de problèmes en Angola, dit-il; laissez-moi le temps d'expliquer.» La juge l'interrompt: «Votre discours n'aura aucun effet, votre réalité est cette interdiction et pas autre chose.» Les juges envoient environ 3 000 étrangers dans les prisons françaises chaque année, pour la seule infraction à la législation sur le séjour. Comment en arrive-t-on à un tel chiffre, et quelle est la responsabilité des juges dans cette affaire? L'histoire si banale de Manuel est riche d'enseignement à cet égard.

Tout d'abord, pourquoi la police a-t-elle voulu l'expulser, alors que, étant en France depuis plus de dix ans, il aurait pu obtenir, «de plein droit», selon la loi Chevènement, une carte de séjour temporaire? Parce qu'il était sous le coup d'une précédente interdiction définitive du territoire. C'est-à-dire qu'un juge ­ qui n'était vraisemblablement ni raciste ni xénophobe ­ avait fait le choix, comme bien souvent nombre de ses collègues, de la peine la plus dure, la plus paralysante, puisqu'elle interdit à l'avance toute possibilité de régularisation future. Le juge, dira-t-on, applique la loi; c'est son rôle. Soit! Mais lisons cett