Quelqu'un m'appelle du Portugal et me dit que son ami, médecin de
Timor, vient d'avoir la tête coupée, alors qu'il secourait des rescapés à l'Ouest" Ça me fait un coup de fatigue, de ces fatigues qui vous tombent dessus devant la répétition, non pas celle des tueries (après tout, il y a des tueurs, ils peuvent faire masse, ils peuvent de temps à autre l'emporter, puis être vaincus, c'est le mouvement de l'histoire" cela n'a pas de raison de nous abattre, au contraire, chacun choisit son camp et se bat pour et ça avance), mais la répétition épuisante d'une autre scène, plus coriace et décourageante car on en est partie prenante: la Scène où devant l'horreur massive, l'opinion s'émeut, supplie ses responsables d'intervenir, et ceux-ci lui opposent un" accord total: oui, il faut intervenir, arrêter ça au Rwanda, en Bosnie, au Kosovo, à Timor" juste un peu de temps, puis l'horreur s'accomplit, après quoi on intervient, l'instance équitable débarque et veille sur des spectres, ou met de l'ordre dans les ruines.
Ce qui fait question, c'est le ressassement de la même scène où le couple horreur-indignation est bien soudé, où l'exaction fait bon ménage avec la sainte colère, où deux discours l'un totalitaire et l'autre humanitaire s'opposent bien sûr mais semblent surtout se compléter pour reproduire la scène. A Timor, on a même eu un raffinement de plus qui tourne à l'abjection: c'est l'instance tierce, les Nations unies, représentant la justice (et le triste état de ses Etats