Voici venir la fête des morts. On ira sur leurs tombes... se
recueillir; très bon mot: recueillir des morceaux perdus de soi, peut-être, assumer leur perte, et l'importance de garder le contact avec cette perte; contact vivifiant, essentiel, sans lequel les morts nous hantent à notre insu. (C'est du reste l'aspect «hantise» que les Etats-Unis ont retenu dans leur fête des morts. C'est logique: ils dénient tellement la mort dans leur mode de vie, que ça les hante. Et ils ont beau en faire une fête, Halloween, ça frôle toujours la mort, la fête des gens hantés par leurs revenants...) Ici, ce qui nous hante périodiquement, ce sont les morts par millions femmes et enfants que la haine a faits et que la lâcheté a laissé faire. Les enfants que Papon a fait déporter n'ont pas de tombe, nous ne pouvons pas nous «recueillir» sur elle, elle est dans l'air, où ils sont partis en fumée. Mais là où ils sont, ils auraient pu recueillir de notre part, non pas une petite pierre sur leur tombe comme le veut la coutume juive qui veut marquer une présence, pour dire qu'il y a quelqu'un, toujours , mais un symbole de justice: oui, recueillir un signe qu'il y a dans l'air un peu de justice, de celle qui leur manqua tant qu'ils en furent asphyxiés.
Eh bien, ils ne l'auront pas ce petit signe qui apaise les âmes en peine des vivants et des morts. Ils ne l'auront pas, car on a... respecté la loi (laissant libre le bonhomme, donc le laissant fuir); on a respecté la loi sur un mode qui aboutit à