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TRIBUNE

C'est la coutume, initiée par Balladur, et non le droit qui impose à tout ministre mis en examen de démissionner. Une pratique aux effets pervers mal évalués. Du bon usage de la démission.

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par Jean-Louis Bessis
publié le 2 novembre 1999 à 1h46

«Tout ministre mis en examen devra démissionner»: chacun souscrit au

principe politique et moral qui veut qu'un ministre soupçonné se démette. Faut-il pour autant l'appliquer de manière aveugle, absolue, automatique?

Le moment est-il venu de reconsidérer l'axiome d'automaticité? Est-il conforme à notre droit? Comment a-t-il pu s'imposer aussi facilement? N'engendre-t-il pas des effets pervers?

1. Ce qui frappe en premier lieu, c'est l'origine circonstancielle de ce qui n'était au départ qu'une parade, inventée dans l'urgence, pour circonscrire les effets désastreux du cas Tapie. Avec la démission de trois ministres d'Edouard Balladur, on passait insidieusement du cas par cas à la coutume. De la parade à la norme. Il est déjà peu banal qu'une norme comportant de pareils enjeux ait une origine coutumière dans un pays de droit écrit. Improvisée, puis reconduite par les Premiers ministres successifs, elle ne fut jamais débattue. Ni, a fortiori, soumise aux filtres institutionnels du Conseil d'Etat, du Parlement ou du Conseil constitutionnel. Un projet de loi en ce sens aurait eu peu de chances de devenir une loi de la République. Si cette règle avait fait l'objet d'un débat en bonne et due forme, on aurait rapidement constaté qu'elle ne méconnaissait pas seulement la présomption d'innocence, très en vogue, mais également le principe de la séparation des pouvoirs: le magistrat qui décide la mise en examen d'un ministre modifie, malgré lui, la composition du gouvernement. On se se