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Libération
TRIBUNE

Le projet de synchrotron «Soleil» en témoigne, il n'y a plus d'exception française en matière de recherche. Comme au Royaume-Uni, l'Etat s'efface au profit du privé. Allègre ou le modèle thatchérien.

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par Harry BERNAS
publié le 16 novembre 1999 à 1h42

Claude Allègre, qui sait comme personne mouliner le discours

universaliste dans le tamis brutal du réalisme, a aussi le sens des symboles. Sa décision de réaliser la nouvelle source de rayonnement synchrotron («Soleil») non pas en France mais en Grande-Bretagne, avec la participation majoritaire d'une fondation liée à la troisième multinationale pharmaceutique, n'est ni circonstancielle ni sectorielle. Elle n'est pas scientifique, mais politique: elle signe la volonté de mettre fin à l'«exception française» pour toute la recherche. La levée de bouclier ­ cf. Libération des 7, 23 et 27 septembre, ainsi que le site web des chercheurs concernés (1) ­ de la communauté scientifique contre cette décision; le débat sur son contexte ­ économies, européanisation de la recherche, qualité scientifique, méthode de gouvernement ­ et maintenant la démission de membres parmi les plus prestigieux du Conseil national des sciences, montrent bien que l'enjeu est essentiel.

La lecture des communiqués successifs des conseils interministériels sur la recherche (2) et la cascade des décisions en voie d'être prises concernant l'organisation de la recherche le montrent: nous allons vers la traduction, française et mise à jour, du virage pris outre-Manche à l'instigation d'une autre scientifique de renom, Margaret Thatcher. Bien avant les années 1975, les «think-tanks» ultra-conservateurs avaient perçu les évolutions naissantes: l'explosion de nouveaux champs scientifiques (sciences humaines, de l'inf