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Libération
Critique

Livres. A notre demande, deux confrères, un Américain et un Italien, ont lu la «biographie» de notre quotidien par l'un de ses anciens journalistes. «Libération» comme un roman. Jean Guisnel: «Libération, la biographie». La Découverte, 320 pp., 135 F.

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par Bernardo VALLI
publié le 3 décembre 1999 à 1h59

Un quart de siècle pour un journal, ça fait jeune. Même très jeune.

Pourtant, Libération a fait plusieurs liftings, qui ne sont pas de son âge. Liftings qui ont laissé d'inévitables traces, voire des cicatrices. C'est donc un visage jeune qui a beaucoup vécu. Un temps court et intense. C'est, au fond, sa particularité. Il a eu une vie romanesque, et la biographie de Jean Guisnel tient justement du roman. Les grands journaux, d'habitude, sont conçus autrement. Puisque la fantaisie a ses droits et autorise toutes bizarreries, on pourrait comparer Serge July à Vladimir Ilitch Oulianov Lénine, lequel crée l'étincelle comme July crée Libération, à cette différence près: de l'étincelle est née l'Union soviétique, tandis que de Libération est sorti, avec le temps, un grand quotidien bourgeois. Des barricades aux salons. Progressistes bien sûr. En forçant l'ironie, on peut encore imaginer qu'au début du siècle le fondateur de l'Étincelle recevait dans un café de Saint-Pétersbourg ou de Moscou quelques enveloppes bourrées de roubles, des mains de jeunes héritières fascinées par la Révolution ou de mécènes ouverts aux idées nouvelles: de la même manière qu'au début des années 70, dans un café du Quartier latin, un descendant de Gertrude Stein offrait aux fondateurs de Libération 300 000 francs, en espèces, à condition que son don reste anonyme, et une jeune rédactrice révolutionnaire et millionnaire en donnait 400 000 dans les mêmes conditions. Sans parler des généreux dons de Jean-P