Qu'entend-on périodiquement à la radio, à la télé? Que lit-on dans
la presse? Que l'école va mal: «elle s'ennuie», le dialogue entre enseignants et élèves «n'est plus possible», la violence s'étend"Toutes questions qui relèguent aux oubliettes la vraie question de fond, car elle risquerait de heurter: quelle image ont les profs de leur condition de profs? Quelle est leur identité? Beaucoup veulent continuer à enseigner «comme avant», c'est-à-dire dans le profil des IUFM. Ils proposent à leurs élèves des contenus prémâchés dont ceux-ci ne veulent plus, car ils les ressentent comme trop éloignés du monde qui les entoure, constamment changeant. Et ce décalage les désespère. Les élèves souhaiteraient pouvoir parler, être entendus, participer à la création collective du sens, par confrontation d'idées avec leurs pairs, leurs professeurs, les auteurs du programme. Bref, ils souhaiteraient se faire l'écho du monde qui bouge, que leur prof prenne le risque de quitter pour un temps ses certitudes, de quitter les hauteurs pour se plonger dans la «culture en train de se faire», dont on pourrait tirer profit avant qu'elle ne soit consignée dans les livres sous une forme partiellement périmée.
L'enseignant y gagnerait une nouvelle identité, un supplément d'estime: il ne serait plus respecté parce qu'il est «le plus savant», mais pour avoir accepté de privilégier la pensée vivante sur l'académisme. Et cela n'a rien à voir avec l'argent ou les efforts investis dans les réformes.
Alain Chopi