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Libération

A l'inconnue du TGV Paris-Marseille qui m'a téléphoné sans le savoir. Lettre ouverte à une vitrine

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publié le 25 décembre 1999 à 2h18

Françoise,

Je n'arrive pas à vous oublier, malgré l'agacement que j'ai éprouvé lors de notre «contact» dans le train, il y a quelques semaines. Peut-être que j'avais exagéré mon impatience à vos côtés. On n'a jamais été face à face, mais seulement à s'entrevoir, de profil, chacun de son côté du couloir, vaguement conscients l'un de l'autre. Peut-être que maintenant je me persuade d'un enjouement tout aussi exagéré. Curiosité de notre non-histoire: c'est moi qui suis dans l'exagération.

Ce qui s'est passé, il se pourrait que je n'ai guère besoin de vous le rappeler, mais seulement de m'identifier, moi! Non, bien sûr, je ne donnerai pas mon vrai nom et vous n'en avez pas besoin. Notre rencontre qui ne fut point une rencontre ­ je l'ai appelée un «contact» ­ n'avait pas de dimension amoureuse, tout au plus un peu de vanité, du gentil spectacle, de votre côté. J'ai besoin juste de vous dire que c'était moi, oui moi, le monsieur en face, qui habitait votre espace intime à ce moment-là, dans le TGV de 17 h 42 au début du mois, entre Paris et Marseille, où vous vous rendiez pour une cérémonie triste.

Peut-être maintenant vous voyez qui je suis, mais je devrais plutôt dire: vous voyez qui vous êtes, vous. Et si vous avez encore des doutes sur ce deuxième point, je peux ajouter que dernièrement vous avez beaucoup grimpé dans le métier que vous faites, ce qui vous remplit de satisfaction; un métier du genre architecte, étant donné que vous sortez en ce moment d'une charrette; qu'il sera