Lionel Jospin n'a pas voulu que le siècle s'achève sur une image
déformée de celui qu'il estime être. Il a donc saisi l'occasion d'un long vol entre Tokyo et Paris pour opérer, devant les journalistes chargés de «couvrir» son voyage au Japon, la rectification qu'il jugeait nécessaire. Pour combattre les clichés flous qui l'irritent, il a procédé à un autoportrait, aussi précis que succinct. L'exercice, familier chez les peintres figuratifs, est beaucoup plus insolite chez les chefs de gouvernement. Lionel Jospin a souvent fait la preuve qu'il est un analyste méticuleux. Le choix des termes qu'il emploie ne doit rien au hasard. La convergence des traits qu'il a voulu redessiner n'en est que plus frappante.
Le chef du gouvernement n'a aucune envie d'être assimilé, a fortiori rapetissé, à l'archétype du protestant français. La question de la laïcité n'est pour rien dans l'affaire, les protestants ayant historiquement tout fait pour l'établir, l'enraciner et la faire respecter de la IIIe à la Ve République. Ce qui l'agace, c'est de se voir fixer sur le visage un masque réducteur, caricatural et de surcroît rébarbatif. D'où cette triple et finalement unique interpellation: Lionel Jospin refuse l'étiquette de protestant, puisqu'il se sait athée; il récuse toute réputation d'austérité (fréquemment accolée à celle de parpaillot), puisqu'il se voit rieur; il écarte toute présomption de rigidité (jadis opposée aux accommodements multiples de l'Eglise catholique avec le siècle), puisqu'