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Libération

Courrier. Le 31 au soir, on a fait semblant de vivre l'exceptionnel. Le millénaire passé inaperçu.

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publié le 7 janvier 2000 à 22h06

Le 12 juillet 1998, dans les rues, sur les Champs, il n'y avait

rien, et pourtant il se passait quelque chose. Le 31 décembre 1999, dans les rues, sur les Champs, il y avait plein d'«animations», et pourtant il ne se passait rien. Les trois zéros du millénaire n'ont rien en commun avec le 3-0 de la finale. Le millénaire: un sac vide, un non-événement. Pas si bêtes, les gens. On leur vend du chiffre rond, du moment exceptionnel, du «à ne pas rater». Ils sourient, font semblant, mais ils n'achètent pas. N'achètent pas les produits, les voyages, les cucuteries qu'on essaie de leur fourguer pour dix fois le prix. N'achètent pas la fièvre qu'on essaie de leur coller, la rareté qu'on leur fait miroiter. N'achètent même pas la peur, le bogue, les casseurs, les terroristes. Ils sourient, font à leur idée. Comme d'habitude, en famille, peinards. Quand même, puisqu'il paraît que ça mobilise les foules, on va voir. On sort, entre le gigot et le fromage. Un peu d'air ça fait du bien, il ne fait vraiment pas froid. On va voir si les autres vont voir, on voit qu'ils voient. On voit qu'au fond il n'y a rien à voir. Il ne se passe rien. La tour Eiffel explose, les roues tournent. Dans les rues on fait un peu semblant, on crie un peu, on dit bonne année à des inconnus. Et le machin, là, les ordinateurs?

Rien, à la radio ils disent que rien.

On rentre finir les desserts, encore une ou deux bouteilles, on danse. Demain matin, la vaisselle, faire pisser le chien, les nouvelles: toujours rien.

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