La réforme d'Elisabeth Guigou étant désormais, pour le moins,
reportée, il serait judicieux de mettre à profit cette respiration imposée par l'opposition pour s'interroger enfin sur l'«autre réforme» de la justice, celle qu'attendent les citoyens. Le bien-fondé du projet gouvernemental est en effet une question accessoire si, de toute façon, après son éventuelle mise en oeuvre, la justice n'est pas mieux rendue qu'avant. Or, précisément, vu «d'en bas», c'est-à-dire de ce point de vue si souvent ignoré qu'est celui du simple citoyen (et en l'occurrence justiciable), le débat sur l'indépendance et la responsabilité des magistrats est un jeu subtil pour juristes, certes nécessaire, mais dont on ne voit vraiment pas en quoi son issue conditionne un progrès tangible et substantiel du service public de la justice. Les vraies urgences nous semblent tellement ailleurs!
Pour le justiciable, le problème majeur de la justice est qu'elle n'est tout simplement pas rendue, ni matériellement ni moralement, parce qu'elle arrive trop tard, et parce qu'elle est souvent injuste pour ne pas dire indigne!
Les délais inouïs nécessaires à la conduite des procédures judiciaires constituent le premier déni de justice. Ils aggravent le préjudice subi par les victimes, ils exacerbent scandaleusement l'inégalité entre les puissants et les faibles, entre les riches et les pauvres, ces derniers n'ayant pas les moyens de supporter des procédures longues, d'autant que leur charge ne sera pas le plus souvent i