Menu
Libération

L'humanité à Moulinex.

Article réservé aux abonnés
publié le 27 janvier 2000 à 21h31

Dans le même mouvement, à peu de jours près et en un spectaculaire

effet de quasi-simultanéité, sur les écrans grands et petits, Ressources humaines ­ le film ­ et Moulinex ­ la vie. Cet effet de persistance rétinienne, comme un vertige, qui secoue le même spectateur et téléspectateur confronté deux fois, presque fortuitement, à la même représentation de la classe ouvrière: quand les images de reportages dans les usines du groupe, à l'heure de l'annonce de quelque deux milliers de suppressions de postes, reproduisent les plans de la fiction cinématographiée, et tout particulièrement dans les mots, mimiques et attitudes de ces femmes ­ «les Moulinex», comme on dit atrocement ­ se prenant l'une l'autre à témoin de leur malheur et de leur désespoir. Chez Moulinex non plus que dans Ressources humaines, on ne s'appelle plus «camarade». On dit: «Hein, les filles, que c'est une honte?», pour solliciter ce qu'il y a chez l'autre de plus intime, la reconnaissance d'une même proximité morale et pour ainsi dire familiale, au lieu de l'appartenance à une même classe ­ ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Dans Ressources humaines, le rapport père-fils troublait le conflit ouvrier-patron, au point presque de le remplacer. Chez Moulinex, la même souffrance sociale s'exprime en silencieuses A.G., où les têtes s'affaissent et les regards se ferment. A l'opposé exactement des films de Ken Loach, où la colère et la révolte, au troisième plan social en quatre ans, auraient sans doute déjà