Dans le même mouvement, à peu de jours près et en un spectaculaire
effet de quasi-simultanéité, sur les écrans grands et petits, Ressources humaines le film et Moulinex la vie. Cet effet de persistance rétinienne, comme un vertige, qui secoue le même spectateur et téléspectateur confronté deux fois, presque fortuitement, à la même représentation de la classe ouvrière: quand les images de reportages dans les usines du groupe, à l'heure de l'annonce de quelque deux milliers de suppressions de postes, reproduisent les plans de la fiction cinématographiée, et tout particulièrement dans les mots, mimiques et attitudes de ces femmes «les Moulinex», comme on dit atrocement se prenant l'une l'autre à témoin de leur malheur et de leur désespoir. Chez Moulinex non plus que dans Ressources humaines, on ne s'appelle plus «camarade». On dit: «Hein, les filles, que c'est une honte?», pour solliciter ce qu'il y a chez l'autre de plus intime, la reconnaissance d'une même proximité morale et pour ainsi dire familiale, au lieu de l'appartenance à une même classe ce qui n'est pas tout à fait la même chose. Dans Ressources humaines, le rapport père-fils troublait le conflit ouvrier-patron, au point presque de le remplacer. Chez Moulinex, la même souffrance sociale s'exprime en silencieuses A.G., où les têtes s'affaissent et les regards se ferment. A l'opposé exactement des films de Ken Loach, où la colère et la révolte, au troisième plan social en quatre ans, auraient sans doute déjà