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Libération
TRIBUNE

A nos futurs.

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publié le 12 février 2000 à 22h17

Samedi

Mozart et les dragons Chaque jour, on s'en va de soi. Des morceaux de peau, des provinces de nos mémoires se retirent. Disparaissent. La mer et les déserts sont remplis de ces paillettes, l'épithélium émotif de nos raisons de vivre. Devoir de mémoire, lieux de mémoire, mausolées du souvenir, nous nous efforçons, chacun à sa façon, de parer aux oublis, que demeure intact ce qui indigne et émeut, notre tribut obligé à ceux qui nous ont précédés. Se souvenir, c'est lutter contre l'entropie. Hériter, ce n'est pas recevoir, c'est exiger.

Qu'en est-il de l'Autriche qui porte au pouvoir un admirateur du IIIe Reich? Avatar cathodique d'un populisme performant qui aligne jeunesse, sourire, séduction, Haider incarne l'exacte menace qui guette les nations de l'Europe: des nettoyeurs d'Augias autoproclamés, des M. Propre sachant manier image et langage, vont être à la pointe de nouvelles croisades. Nettoyage ethnique pour certains, nettoyage politique, sexuel, littéraire pour d'autres, les retours à la pureté sentent toujours la brutalité et le bûcher.

14 heures, avenue d'Ivry, Paris XIIIe, quatre dragons tout de satin rouge et de perles ondulent sur le pavé, des tambours scandent leur déambulation pendant que des adolescents asiatiques frappent des plaques de cuivre avec des mailloches. Nouvel an chinois, l'année du Dragon est, paraît-il, l'année de tous les excès. Plus tard, à l'intérieur d'un temple de Bouddha installé à l'entresol d'un supermarché, chacun échange des bâtons d