Dès que les perspectives présidentielles approchent, dès que la
séquence électorale reine se distingue à l'horizon, un thème opère inlassablement son éternel retour, celui du mythique troisième homme. Il a fait son apparition avec la première élection du chef de l'Etat au suffrage universel direct, en décembre 1965. Le général de Gaulle, daignant se présenter pour la première fois en personne devant les électeurs, tout semblait joué d'avance. François Mitterrand incarnait la gauche, le Général incarnait la France. Jean Lecanuet réussit cependant à glisser son éloquence parlementaire et son sourire conquérant dans le débat: il incarnait, lui, l'insatisfaction foncière, la frustration congénitale née de la perspective du duel final. Le troisième homme personnifie la mauvaise humeur des Français à l'idée de connaître à l'avance le nom des acteurs appelés à se battre en combat singulier au second tour. Le troisième homme, c'est le refus de la carte forcée. Beaucoup d'imagination se déploie rituellement pour tenter de le débusquer en dehors des champions présélectionnés pour la joute présidentielle. La société civile est mise à contribution. Chez les conservateurs et chez les libéraux, on rêve de découvrir un chef d'entreprise charismatique, de préférence milliardaire, prêt à faire don de sa personne pour bousculer le jeu. Jacques Calvet ne se serait pas senti indigne d'un tel destin. La France n'est pas l'Amérique du Nord. Malgré le rejet de la politique, elle n'en est pas à co