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Libération
TRIBUNE

Pour quelques courants de la cyberculture, le corps devient surnuméraire. Certains rêvent même de s'en débarrasser pour accéder à un paradis glorieux. Une humanité hors corps.

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publié le 18 février 2000 à 22h44

L'obsolescence du corps est devenu un cri de ralliement de certaines

entreprises technoscientifiques radicales. L'espèce humaine semble à leurs yeux entachée d'un corps qui rappelle trop l'humilité de sa condition. La précarité de la chair, son manque d'endurance, la maladie, la vieillesse, la mort, l'«insoutenable légèreté de l'être» sont insupportables. Le corps est un brouillon, il faut le rectifier, voire même le liquider au profit d'une forme plus digne et plus à la hauteur des techniques contemporaines. Un premier soupçon à l'encontre du corps se traduit par la formidable consommation des prothèses chimiques pour réguler la tonalité affective du rapport au monde de nombre d'individus. Sans être malade, on prend des produits pour dormir, se réveiller, être en forme, énergique, améliorer la mémoire, le rendement, supprimer l'anxiété, le stress, etc., autant de prothèses chimiques à un corps perçu comme défaillant dans les exigences requises par le monde contemporain, pour rester à flot dans un système toujours plus actif et exigeant. Le corps doit produire les émotions requises sans tergiverser. Il n'est pas question de s'en remettre à son humeur mais de la programmer.

Nombre de démarches de la technoscience poussent le soupçon à son terme et envisagent le corps à la manière d'une esquisse à corriger ou même à éliminer de fond en comble à cause de son imperfection. L'institution du corps en laboratoire public ou privé est l'une des données élémentaires de nos sociétés co