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TRIBUNE

Le SDF est assimilé au «dernier des Mohicans»: traiter l'intégration sociale par le prisme culturel est un moyen de dépolitiser les conflits sociaux. La panoplie des identités.

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publié le 24 février 2000 à 22h31

La référence à l'identité sociale et culturelle semble déterminer

impérativement la place de l'individu dans la société. L'intégration sociale est présentée comme la reconquête d'une identité, le plus souvent par le travail, la situation du chômeur étant assimilée à celle d'une faillite de sa propre identité. Une telle idéologie du social suppose que le travail, en donnant à l'individu un statut, lui confirme sa véritable identité. L'absence de travail entraînerait, si on suit ce raisonnement à la lettre, une dépersonnalisation, comme si l'individu ne se trouvait plus en mesure de donner un autre sens à sa vie quotidienne. Il s'agit bien d'assimiler l'«identité par le travail» au fait d'«être soi-même». Quand survient une catastrophe, l'appel à la solidarité bien partagée apparaît comme un moteur d'intégration sociale: les jeunes chômeurs, «victimes du marché de l'emploi», peuvent aider une population «victime de la catastrophe». A la télévision, il a été dit des jeunes chômeurs qu'ils avaient la chance de retrouver une véritable identité en allant nettoyer les plages polluées de Bretagne! Rien ne pourrait être plus salvateur pour les «sinistrés sociaux» que de remédier aux effets néfastes d'un désastre territorial. Si la leçon de morale se fonde sur une «leçon de choses», tout va pour le mieux. La reconquête de l'identité passe par l'épreuve des faits les plus significatifs de la solidarité, c'est la meilleure façon de montrer aux autres, quand on est en marge de la société