En juin 1998, j’écrivais: «Le peuple algérien sait qu’il est algérien. Ses dirigeants, eux, l’ignorent.» Par ces propos, je voulais signifier que, malgré les lois coercitives faites pour lui refuser ses langues, malgré un système éducatif conçu pour inculquer la haine et la violence, le peuple résiste. Il continue à user de toutes ses langues et à croire en son caractère métis. Le maintien de l’arabe algérien, du berbère et du français en est une preuve, l’avènement de la musique kabyle ou l’explosion du raï et du rap en sont une autre. Les enfants de l’Algérie n’ont jamais cessé d’être bercés par les différents genres musicaux chantés par tous ceux qui se revendiquent de l’Algérie, qu’ils soient d’origine arabo-berbère ou européenne, de confession juive, chrétienne ou musulmane. C’est ainsi qu’au plus fort du totalitarisme boumédiéniste, les Algériens écoutaient ouvertement l’un des leurs, Enrico Macias, alors qu’il était boycotté par l’ensemble des médias officiels. En 1969 et 1970, alors interne dans un lycée de Tlemcen, pour rentrer chez moi le week-end je prenais le car en compagnie de plusieurs camarades. Durant tout le trajet, c’était la fête: l’ensemble des voyageurs, le vieux chauffeur inclus, s’égosillaient en chantant à tue-tête Aux talons de ses souliers, la dernière chanson d’Enrico (c’est ainsi qu’on l’appelait). A l’époque déjà, notre Algérie n’était pas celle de nos dirigeants. Maintenant, nous savons tous où ces derniers l’ont menée. Ce sont ces mêmes hommes
TRIBUNE
Enrico refoulé par les islamistes
Article réservé aux abonnés
par Mohamed BENRABAH
publié le 7 mars 2000 à 23h00
Dans la même rubrique
TRIBUNE
TRIBUNE