A l'heure de l'entrée attendue des femmes dans la vie publique, de
la parité revendiquée, la survivance d'un mot étrange, unanimement repris à longueur de colonnes, ne laisse pas d'étonner. Car au fait, comment appelle-t-on, aujourd'hui comme hier, une femme qui fait de la politique, qui occupe le terrain social ou prétend le faire? Une" «pasionaria».
A lui seul, ce mot dont personne ne songe à s'alarmer tant il est répandu, exprime les grandes ambiguïtés et les petites perversions qui s'attachent à la place des femmes dans notre société. Un tour d'horizon approfondi à partir des archives des deux quotidiens les plus importants de la presse quotidienne nationale (Libération et le Monde) comme de la presse hebdomadaire (par souci d'équilibre nous citerons le Nouvel Observateur et l'Express) nous apprend que, loin de constituer l'exception, le terme «pasionaria» est bel et bien devenu d'un usage courant, pour ne pas dire banal.
Enfant, je me rappelle pourtant cette femme aux cheveux gris, vieillie avant l'âge par son combat de républicaine espagnole contre les franquistes. Elle s'appelait Dolores (tout un programme) Ibarruri, et pour moi la pasionaria c'était elle, ce mélange de conviction brûlante et d'acharnement qui faisait d'elle l'exception d'une époque figée, où les femmes n'avaient leur place dans ce genre de combat qu'en pleurant un mari, un frère ou un père, à l'intar des Folles de Mai.
Pasionaria, ces femmes n'étaient rattachées à la vie publique que par leur douleur, et