Viviane Forrester jouit d'un talent, celui d'écrire bien mieux que
les économistes. Son écriture, déclamatoire tout en restant sobre, est un roulement de tambour qui gonfle par vagues. Nulle phrase obscure, nulle métaphore facile, nulle formule journalistique: juste l'enfilage des mots les plus forts du vocabulaire courant («hallucinant», «piège», «propagande», «fatal», «dément»"). De la chair à discours. Lu du haut d'une tribune, avec la voix basse d'un Philippe Séguin période «Munich social» Une étrange dictature, qui est à l'Horreur économique ce que Scream 2 est à Scream 1, ferait sans nul doute frissonner. Exemple, page 50: «Ainsi a pu s'établir, sans obstacle et sous le label rassurant d'"économie de marché, l'hégémonie d'une puissance débridée qui tient sous son joug, avec une violence inapparente mais sans pareille, l'ensemble des circuits planétaires.»
Viviane Forrester a un autre talent: savoir saisir le bon débat du moment. Son livre aborde la question passionnante de la prétendue «dépolitisation» du système économique.
Pour elle, la mutation que nous vivons actuellement (montée du pouvoir des actionnaires, de la flexibilité du travail, de la déréglementation, de la réduction du poids de l'Etat") n'est pas, comme on l'affirme, le fruit d'une mainmise de l'économique sur le politique, mais l'inverse: la mainmise d'un régime politique sciemment imposé par des décideurs cyniques, sur l'économie: «Il serait temps de nous réveiller, écrit-elle, de constater que nou