La proposition de loi reconnaissant le génocide des Arméniens de
1915 peut-elle faire l'objet d'une discussion devant le Sénat? Celui-ci a répondu mardi par la négative en refusant, pour la troisième fois, de discuter le texte adopté à l'unanimité, le 29 mai 1998, à l'Assemblée nationale. Le Sénat justifie sa décision en confirmant les deux arguments allégués lors de son refus du 22 février. Le premier traduit une volonté de ne pas «contrarier le processus de réconciliation en oeuvre dans les Etats du Caucase du Sud». Le second met en avant le fait que «la Constitution n'autorise pas le Parlement à qualifier l'Histoire». Cette argumentation juridique, plus que douteuse, présuppose deux choses: ladite proposition de loi constitue une qualification de l'Histoire et il existe une norme constitutionnelle interdisant au Parlement l'adoption d'un tel acte.
Sur le premier point, on constatera simplement que, dans le même ordre d'idée, la loi Gayssot du 13 juillet 1990, qui permet de lutter contre le négationnisme de la barbarie nazie, a déjà été critiquée au motif qu'elle introduit en droit français «la vérité historique par détermination de la loi». Si une telle démarche du législateur peut être contestée, il est toutefois possible de la comprendre comme un moyen d'éviter que cette vérité soit le fait des juges.
Le second point ne pose guère de difficulté. La Constitution de 1958, même étendue au Préambule de 1946 et à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, est m