Cette fois-ci, impossible d'en douter: la législature vient de
basculer d'une phase à l'autre. Il a suffi de l'incident de Jérusalem, de l'échec de la réforme du ministère des Finances et de l'éternelle incandescence de l'Education nationale pour que soudain le climat change. Le gouvernement apparaît vulnérable, l'opposition reprend espoir, Jacques Chirac se frotte les mains. La législature de Lionel Jospin entre dans son cycle électoral avec neuf mois d'avance. Après bientôt trois ans de guerre de tranchées, c'est la guerre de mouvement qui débute. Gauche et droite l'abordent à égalité.
Ce brusque changement de rythme et d'atmosphère peut apparaître paradoxal. Après tout, la croissance se fortifie, la confiance renaît, le chômage recule. Lionel Jospin a cassé la tirelire de la cagnotte pour distribuer des baisses d'impôts bienvenues, notamment pour les plus modestes. D'autres suivront l'année prochaine. Sur le front miné des retraites, il a choisi la défense du système par répartition qui deviendra bientôt une exception française. Aux fonctionnaires (le cinquième des salariés mais, dans une génération, 60% des déficits prévisibles en matière de retraites), il propose une révolution douce par la concertation, une réforme pragmatique, graduelle et, somme toute, protectrice. Seulement voilà: le rapport des forces politiques ne repose ni sur les faits ni sur la logique mais sur les perceptions, les subjectivités et même les irrationalités. La France va objectivement mieux, mais