Menu
Libération
TRIBUNE

Dans sa repentance, le pape demande pardon à Dieu pour les fautes commises et confisque ainsi la souffrance des victimes de l'Eglise. Allez, n'en parlons plus"" Pas coupable mais si responsable.

Article réservé aux abonnés
publié le 27 mars 2000 à 23h16

Ce pape est étonnant: il demande aux catholiques de demander pardon

à Dieu pour le mal que l'Eglise a pu faire à des personnes et à des peuples depuis vingt siècles. A priori, cela semble simple, évident: on fait du mal aux gens, on leur demande pardon; et même s'ils ne sont plus là pour vous l'accorder, ça fait du bien de le demander, ce pardon, et de sentir qu'on l'obtient; on le sent au seul fait qu'on est sincère, ce qui est plutôt pratique: en l'absence des victimes, on peut se sentir pardonné du seul fait de le demander. A qui? Justement, à Dieu. Là ça se complique, ce n'est plus du tout évident, et pas seulement parce que la réponse que vous fait Dieu ­ son agrément ­ n'est pas toujours très lisible. Encore qu'on puisse se sentir pardonné en voyant qu'on ne fait plus les mêmes fautes. (On en fait d'autres, peut-être") En termes plus raisonnables, cette demande de pardon signifie au moins que l'on reconnaît ses fautes, ou celles des siens, en l'occurrence celles de l'Eglise dont on se réclame, ou de l'une de ses chapelles. Mais là aussi ça se corse: pourquoi des gens qui n'ont pas fait de crime doivent-ils demander pardon pour des crimes faits par d'autres; et le demander «à Dieu» plutôt qu'aux victimes de ces crimes ou à leurs descendants ­ car le glissement qui rapproche les catholiques d'aujourd'hui de leurs ascendants fanatiques pourrait aussi rapprocher ces mêmes victimes et leurs descendants.

Dans le projet papal ce rapprochement est écarté: on ne demande pas pardo