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Libération

Profilage et fourniturage.

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publié le 27 mars 2000 à 23h16

Quand la lourde actualité se réduit à des imminences, les mots qui

la traduisent s'euphémisent et néologisent dans des coquetteries de danse des sept voiles, qui semblent n'avoir de fonction que de meubler une attente. Samedi, l'information restait ainsi suspendue à la perspective géographiquement lointaine de l'inéluctable élection d'un salaud KGBiste à la présidence de la Russie ombrageuse, ou à la rencontre d'un pape tremblotant avec de lourds symboles, dans la sacrée cité où trois grandes religions monothéistes se foutent subtilement mais consciencieusement sur la gueule. Ici aussi, on patientait, car il y aurait tout à l'heure, demain ou après-demain ­ enfin, imminemment ­ un remaniement ministériel. Mais même ce terme de «remaniement» osait à peine s'énoncer. Dans le hors-temps de l'attente, il ne fut longtemps question que d'«ajustement» ­ terme codé et fortement signifiant, puisque certifié d'origine primo-ministérielle. Pour emplir le silence se recyclèrent alors timidement, tels les aboiements de bateleurs de trottoir pour faire monter les enchères du bonneteau, les grossières métaphores sportives de l'«équipe» que le «coach» Jospin s'apprête à «reprofiler», comme disait ce matin-là Claude «On-a-tous-des-téléphones-portables» Bartolone, ministre «joignable»" «Reprofilage»!" Quand le verbe ainsi s'étiole et se relâche, l'oreille de l'auditeur saigne et son intelligence souffre. Peu de minutes après, issu de la boîte à France-Info, un autre bruit allait fournir à l'